Lorsque Philippe Grison, directeur de l’Orchestre National Avignon-Provence, propose à Cesária Évora un projet symphonique, elle lui répond avec humour et franchise : « Je suis bien trop fatiguée, vois avec Mariana Ramos. » Cette anecdote, racontée par Philippe lui-même avant que je monte sur scène lors de la première à Avignon, a marqué le début d’une belle aventure.C’est bien à l’occasion d’un concert que j’ai rencontré Philippe Grison, en présence de Marc-Olivier Dupin, compositeur, arrangeur et chef d’orchestre. Marc-Olivier Dupin m’avait déjà confié sa volonté d’orchestrer mon répertoire. Nous nous sommes ainsi mis au travail pour que naisse le projet le Voyage symphonique au Cap-Vert « SINFONICO »Entre excitation et appréhension, je me suis engagée dans cette aventure en y associant mes amis musiciens de toujours : Toy Vieira (piano), Paulo Bouwman (guitare), Miroca Paris (percussions), et Jessica Ramos (chœurs). Partager cette expérience avec eux fut un bonheur immense.La sélection des titres de mon répertoire fut ardue, un examen consciencieux, partagé entre mes chansons préférées et celles que mon public affectionne le plus..

Marc-Olivier m’a offert une grande liberté artistique. Nos échanges furent riches, empreints de respect et de générosité .J’ai été de suite admirative par sa créativité, et son souci constant au service de l’âme de chaque morceau.En revanche, je me suis vite rendue compte que, outre le langage universel de la musique, nos manières de l’appréhender  différaient : entre la décontraction de mes musiciens – version « Hakuna Matata »  et la rigueur d’un orchestre symphonique, il a fallu trouver un juste équilibre entre ces deux univers.

Pour la première à Avignon, les trois répétitions m’ont parues insuffisantes. Je découvrais alors les codes et les usages du monde classique. Dès les premiers morceaux, un peu intimidée, j’interprétais mes chansons avec retenue. Puis, peu à peu, portée par l’intensité sonore des instruments, je me suis laissée emporter vers un ailleurs vibrant d’émotion, proche de la « Sodade ».

Fin 2017, alors que nous étions entrain d’enregistrer trois concerts live avec l’Orchestre National des Pays de la Loire, j’imaginais, tel un rêve, de sortir un album comme une célébration de mes vingt ans de carrière, cependant, j’ai décidé de différer ce projet afin de mettre en lumière, la Morna, qui allait être inscrite au patrimoine immatériel de l’UNESCO en 2019.

Merci à mes frères Elisio et Ilidio qui m’ont tant soutenus dans cette
« chimère symphonique »; ils seraient fiers de commémorer les 50 ans de l’indépendance  du Cap Vert,  le 5 juillet 2025 (date de mon anniversaire) au bénéfice de cette œuvre singulière